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ALLERGENES SPECIFIQUES : APPORT DES RECOMBINANTS

   En quelques décennies, les tests d’allergologie au laboratoire sont passés de

l’utilisation de mélanges incertains, type « poussière de maison » à des

compositions mieux identifiées type « extrait d’acariens » « extrait de cafard »

puis à des protéines purifiées permettant de distinguer, dans un même extrait,

les allergènes mineurs et allergènes majeurs, le stade ultime étant l’identification

des épitopes des protéines  responsables du pontage des IgE.

A ce jour, plus de 1500 allergènes moléculaires ont été produits, généralement

par clonage de bactéries ou de levures.

   Ces allergènes dits recombinants (ou moléculaires)  permettent de préciser

le diagnostic étiologique en allergologie, de comprendre  bon nombre de

réactions croisées, ainsi que de définir le niveau de risque de manifestation

clinique et, parfois, le pronostic de réponse à un traitement.

   Bien que cette nouvelle approche soit vaste et complexe, il est possible de

suggérer pour les non spécialistes quelques pistes simples et facilement

utilisables en pratique courante, basées sur quelques dizaines de tests.

4Elimination des interférences

   A noter d’emblée, un avantage général à l’utilisation de ces allergènes :

 l’élimination des faux positifs inhérents aux CCD.

   Les CCD (Cross-reactive Carbohydrate Determinants) consistent en des

chaines d’hydrates de carbone largement présentes sur les protéines des

plantes et  des invertébrés, et jamais sur celles des mammifères ; ces

CCD quoique susceptibles de produire des IgE chez l’homme (20% des

pseudo-allergies aux pollens, et faux positifs fréquents aux fruits, légumes,

latex, venins d’insectes), ne sont qu’exceptionnellement liés à une clinique

quelconque.  Les recombinants étant produits par des bactéries ou des levures

incapables de fixer des groupements sucrés aux protéines, ce problème d’interférence (faux + clinique) est définitivement réglé par leur utilisation.

4Mise au point des réactions croisées

4Définition du niveau de risque clinique

4Pronostic de réponse au traitement

   Ces points seront traités au cas par cas en prenant pour exemple des allergènes

parmi les plus fréquemment impliqués en clinique : bouleau, graminées, latex,

acariens, chat, arachide, noisette, fruits, œufs, lait, poissons, crustacés …

Pollen d’arbres

Le bouleau    

    Betula verrucosa est l’initiateur de la plus fréquente des allergies aux

 pollens d’arbres en Europe du nord ; on retiendra 3 allergènes d’intérêt :

  rBet v1 = PR10  (Pathogenesis Related -10)

                protéine de transport de stéroïdes,  allergène majeur

  rBet v2 = profiline (protéine liant l’actine) et

  rBet v4 = polcalcine (protéine liant le calcium) allergènes mineurs

rBet v1 est positif dans 100% des allergies au bouleau

    est susceptible d’induire une sensibilité à de nombreuses fagales et rosacées

 en particulier l’homologie de séquence est importante pour les PR10 des arbres

    hêtre, aulne, noisetier, charme ;

 pour la même raison, elle est à l’origine de 70% des allergies alimentaires aux :

     pommes, poires, cerises, kiwis, soja, pois, céleris, tomates, carottes …

      La PR10 est détruite par la chaleur, et donc disparaît des aliments cuits ;

 elle est détruite par les protéases, et en conséquence donne généralement un

 syndrome oral bénin ; toutefois, des taux élevés d’anti-PR10 peuvent constituer

 un facteur de risque sérieux avec noisette, cacahuète, céleri, et surtout soja.

rBetv2 et rBet v4 ont une séquence très conservée dans l’évolution

     et donc sont susceptibles d’induire des sensibilisations croisées très larges.

La profiline,  +  chez environ 20% des polliniques, peu de réactions cliniques

     75-85% de réaction croisée chez les végétaux  banane et melon, …

     faux + aux céréales …

     25-40% de réactivité entre profilines végétales et  fongiques ou animales

La polcalcine est responsable des réactions croisées entre fagales, graminées,

     oléacées, herbacées ; clinique absente ou bénigne. (-> faux + en prick test)

Une positivité à rBet v1 seul : bonne réponse à une désensibilisation.

Si rBet v2 et/ou rBet v4 sont aussi  positifs, les chances de réponse à un

      traitement sont réduites

Bouleau … ou frêne ?

   Le frêne, qui fleurit à la même saison que le bouleau,  peut aussi être à

l’origine d’allergies, quoique beaucoup plus rarement (peu de pollen).

    Allergènes croisants : rBet v2 et v4 (->faux + en prick test au frêne)

    Allergène spécifique : nOle e1

nOle e1 (protéine inhibitrice trypsine), présente une homologie de 70% avec l’allergène des autres oléacées : olivier, troëne, lilas, forsythia

Pollen de graminées, herbacées                                                

La fléole des prés et l’armoise                                                               

Phleum pratense, floraison en juin-juillet, est généralement présentée comme

responsable de la pollinose aux herbacées,  à un moindre degré l’armoise

rPhl p1, b expansine, avec réaction + chez 90% des polliniques à la fléole

rPhl p5, de fonction inconnue, est  + chez 80% de ce même groupe

 La combinaison de ces 2 allergènes majeurs en un  test a été commercialisée

car elle permet d’identifier immédiatement 99% des allergies aux graminées ;

en outre, les individus sensibilisés à ces 2 allergènes seuls sont les meilleurs

candidats à une désensibilisation.

rPhl p7 =  polcalcine   + chez 10% des polliniques

rPhl p12 = profiline     + dans 30% des cas

    déjà cités comme allergènes du bouleau,  ces panallergènes végétaux

 sont des indicateurs de polysensibilisation ; en cas de positivité conjointe avec

 les 2 allergènes majeurs, le pronostic de réponse à un traitement est réduit ; s’ils

 sont seuls positifs, apport au diagnostic et indication de désensibilisation faibles

Artemisia vulgaris : allergène majeur : nArt v1 (PR12 defensin)

                                facteur de risque : nArtv3 (LTP) –voir plus loin.

Le latex

    Apport important dans l’allergie au latex d’hevea brasiliensis 

    Les 3 premières molécules les plus impliquées sont (1, 3, 5) :

rHev b1  facteur d’élongation et

rHev b3  cis-phenyltransferase dont la positivité est très significative,

              avec pour origine le contact des muqueuses (opérées)

rHev b5  protéine de structure acide : son défaut dans des prick tests est à 

             l’origine de faux négatifs

rHev b 6.01  prohevein, rHev b6.02 hevein  indiquent une sensibilisation

        aéroportée (industrie …), leur signification est importante ; la positivité des

        heveines implique aussi souvent une sensibilisation alimentaire, parfois

        sévère,  au groupe banane, kiwi, avocat ; réaction croisée latex-ficus

rHev b12  LTP présente une réactivité croisée avec les fruits et graines

rHev b8 profiline, (20% des allergies au latex)  peu de  pertinence clinique

           reflet de la polysensibilisation aux profilines  des pollens

 rHev b2 beta 1.3glucanase et b13 esterase  rendent compte aussi des faux +

     Si tous les recombinants sont négatifs en présence d’un test latex + : = CCD

Acariens

   Dermatophagoïdes pteronyssinus, par l’intermédiaire de ses déjections,

est l’allergène  bien connu de la poussière de maison.

nDer p1, premier allergène cloné en 1998, est une cysteine protease, allergène

              majeur présentant une réactivité limitée entre acariens.

nDer p2 est une protéine de la famille NPC2 responsable d’une grande réactivité

           croisée entre différentes espèces d’acariens, dont les acariens de stockage.

        L’association Der p1+p2 permet de détecter  95% des allergies aux acariens

rDer p23 (peritrophin-like) très impliqué dans l’asthme

rDer p10 est la tropomyosine d’acariens ; il s’agit d’une protéine liée à l’actine   

         des fibres musculaires des invertébrés ; on retrouve une grande homologie 

         de structure entre rDer p10 et la tropomyosine de blatte (nBla g7), celle de

         crevette (rPen a1), et d’anisakis (rAni s3) ; il s’agit donc d’un marqueur de           

         réaction croisée entre ces groupes.

Orientation pour une immunothérapie :

  Der p1 et 2 + Der p10 –  : bonne réponse

  Der p1 et 2 + Der p10 + : réponse modérée

  Der p1 et 2 – Der p10 + : peu de réponse

Insectes

Les tests moléculaires évitent faux + et faux – :

rApi m1 (une phospholipase) indique une allergie vraie au venin d’abeille

rVes v5   une sensibilisation spécifique aux guêpes (Europe du nord)

rPol d5    spécifique aux polistes (guêpes d’Europe du sud)

 un test négatif pour le venin total de guêpe peut manquer une vraie allergie

 (déficit de l’extrait total en Ves v5 !)

 un faux positif sur venin total est fréquemment du aux CCD

en cas d’allergie connue aux venins d’insectes, il est recommandable de doser

le taux basal de tryptase, reflet de l’activation des mastocytes, et donc bon indicateur de risque anaphylactique

Vertébrés

rFel d1 (uteroglobine) : spécifique du chat 

rCan f1 et rCan f2 (lipocalines) : spécifiques du  chien

rCan f3 et nFel d2 (albumines) : marqueurs de réactions croisées entre  

    mammifères  (voir aussi allergies à la viande)

Noisette, cacahuète                                                                                                                                                                                    

   Un test d’allergie positif à ces fruits secs peut aussi bien indiquer une situation

à très haut risque … qu’un faux positif. Des tests moléculaires permettent ce

diagnostic différentiel crucial.

Noisette

   Le fruit de Corylus avellana présente 3 recombinants d’intérêt.

rCor a1, PR10 représente la sensibilisation la plus fréquente, la moins à risque, et qui permet la consommation des produits chauffés.

rCor a8 fait partie de la famille des LTP (Lipid Transfer Protein),  petites

protéines de défense des plantes contre bactéries et champignons concentrées dans les graines ; résistantes à  la chaleur et aux protéases, ces caractéristiques en font des allergènes très efficaces au niveau gastro-intestinal capables de déclencher diverses réactions systémiques graves, y compris l’anaphylaxie.

 Un test + à  rCor a8 est rare, mais implique donc une situation à haut risque.

rCor a9, légumine, à réaction croisée avec l’arachide et fort risque systémique

Si ces 3 tests sont négatifs (le prick test étant +), on est vraisemblablement

en présence d’une réaction croisée par profiline (voir précédemment)

sans conséquence, ou d’un faux positif du aux CCD

Cacahuète (fruit de Arachis hypogaea, fabacées)

rAra h8, PR10, + dans la majorité des allergies à la cacahuète, avec le bouleau

 pour origine,  risque limité à un syndrôme oral,  tolérance aux produits chauffés

rAra h2 : conglutine, allergène présentant une réaction croisée

               possible avec  les noix et d’autres fruits secs

rAra h6 : 2s albumine, 4 % des allergiques à l’arachide sont monosensibilisés

rAra h3 : 11s globuline (legumine), caractéristiques et réactions croisées  

               identiques à Ara h2

rAra h1 : 7s globuline, (vicilline)

  une sensibilisation à ces protéines de stockage présente un risque systémique

  maximum, mais est heureusement la moins fréquente

rArah9 : LTP (voir ci-dessus Cor a8) un test + est une situation à  risque, y

 compris vis-à-vis des préparations traitées par l’industrie agro-alimentaire

Aliments souvent  cités

Fruits et légumes (en général)

   La mise au point précise de ce type d’allergie alimentaire passe par les recombinants : on retrouve les 3 principales molécules déjà décrites.

   Les premiers fruits impliqués ont été : pêche, pomme, cerise ; puis le reste de

la famille des rosacées : amandes, abricots, poire, prune, framboise, fraise ;

enfin d’autres familles : tomate, carotte, persil …(liste complète sur demande)

PR10 (famille de Bet v1) pour rappel, sensible aux protéases, donc responsable

 au plus d’un syndrome oral bénin, sensible à la chaleur, donc détruite dans les

 jus de fruits pasteurisés, les compotes, confitures. Souvent initiée par le pollen

 de bouleau, cette allergie concerne généralement les européens du nord.

 Recombinants utilisables : Mal d1 (pomme), Pru p1 (pêche), Fra a1 (fraise) …

  (liste complète sur demande) ; en pratique, tester Bet v1 !      

Profiline, panallergène végétal déjà décrit associé à un risque  faible (sauf litchi)            

  se retrouve plutôt dans les allergies alimentaires des européens du sud.

Recombinants correspondants  Mal d4, Pru p4, Lyc e1 (tomate), Cuc m2(melon)

LTP (Lipid Transfer Protein)  décrite chez la noisette (voir plus haut : Cor a8)

 et  la cacahuète (Ara h9), stable à la chaleur, donc active même dans les

 préparations cuites, à risque systémique ;  localisée dans la pelure et la graine.

 Cette allergie pourrait être déclenchée par le pollen d’armoise ou de platane

 (européens du sud) et l’usage du cannabis (résine d’une graine) :

 à tester Pru p3 (pêche), avec homologues dans divers fruits à noyau et pépins.

Soja (Glycine max)

rGly m4 (PR10)

      Le soja se répand largement au niveau mondial comme source de protéines ;

chez les européens du nord, fréquemment sensibilisés à la PR10 de bouleau, on

considère que plus de 10% de la population pourrait développer une réaction

à la PR10 du soja, y compris des réactions sévères (cette PR10 est plus stable) ;

cette sensibilisation peut ne pas apparaître au niveau du test IgE soja total (f14) ;

elle est à craindre en cas de consommation importante de lait de soja.

nGly m5 (conglycine) et Gly m6 (protéines de stockage)

       Une sensibilisation à ces protéines résistantes à la chaleur et aux protéases représente un risque élevé de réactions systémiques, y compris avec les préparations de l’agro-alimentaire où elles sont largement représentées ;

      sensibilisation croisée possible avec les protéines homologues de l’arachide

(Ara h1 et h3)

Aliments d’origine animale

Blanc d’œuf

 nGal d1 (ovomucoïde)

   allergène majeur, très allergénique, stable à la chaleur

       4 négatif : risque clinique faible, tolérance aux œufs cuits 

       positif :  risque  plus élevé, y compris œufs cuits, et persistance à vie

nGal d2 (ovalbumine)

   dénaturé par la chaleur

   des vaccins contiennent des traces de protéines d’œufs, surtout l’ovalbumine

nGad d4 (lysozyme)

    utilisé comme conservateur (E1105) dans des fromages, vins, et médicaments

Poissons

rCyp c1 et Gad c1 (parvalbumines)

  >80% des épitopes de ces protéines sont présents dans l’ensemble des poissons

  (mer ou eau douce), à l’exception du thon, maquereau, espadon

  résistent à la chaleur et aux protéases  >  risque systémique très important.

Lait

nBos d4 (a-lactalbumine) et

nBos d5 (b-lactoglobuline) : tous deux allergènes majeurs

nBos d8 (caséine), allergène mineur : en cas de positivité, on peut s’attendre à 

    des réactions aux laits persistantes, et même aux viandes de diverses espèces.

Fruits de mer 

rPen a1 (Pennaeus aztecus – crevette)

  tropomyosine , protéine contractile présente chez tous les invertébrés,

  résistante à la chaleur, réactivité croisée dans l’ensemble de l’ordre,

  permet donc de tester une sensibilisation à l’ensemble des crustacés, et, dans

  une moindre mesure, aux mollusques ; également impliquée dans l’allergie à

   anisakis (consommation de poisson cru)

  La sensibilisation à la tropomyosine peut donner des réactions systémiques

NB : la sensibilisation aux fruits de mer implique dans certains cas d’autres

  protéines, non encore identifiées > des tests non moléculaires restent utiles

Les viandes

   On peut identifier 3 types d’allergie à la viande par les tests suivants :

a-GAL

  Récemment décrite, la sensibilisation au galactose a-1,3 galactose (a-GAL),

oligosaccharide présent chez tous les mammifères sauf les singes et humains ;

sans doute initiée par une morsure de tique ( tractus digestif riche en a-GAL) ;

réaction généralement sévère, et, de façon très atypique, tardive (3 à 6h) après ingestion de viande de mammifère exclusivement, parfois de lait, ou gélatine,

favorisée par l’exercice physique et l’alcool  ; cettesensibilisation explique aussi les chocs anaphylactiques après perfusion de l’antitumoral cetuximab (qui contient un épitope a-GAL) ; les prick-tests aux extraits de viande sont négatifs

-> ce diagnostic est très généralement manqué !

Bos d6 (albumine bovine)

Bos d7 (immunoglobuline bovine)

Gal d5 (albumine de poulet)

   Sensibilisations diverses aux viandes, rarement sévères, concernant plutôt les enfants

Fel d2

  S’observe dans le syndrome porc-chat, parfois sévère endéans l’heure, par sensibilisation initiale à l’albumine de chat.

RESUME

Aliments d’origine végétale :

                                         (labiles)                                                (stables)

clinique croissante :  CCD < profilines < PR10 < LTP < protéines de stockage

Allergènes à risque :

 Végétaux       :   LTP (graines), protéines de stockage (graines)

 Dans le latex :   hévéines, phényltransférase, facteur d’élongation

 Les œufs :         ovomucoïde

 Les poissons :   parvalbumines

 Fruits de mer :  tropomyosine

 Viandes         :  alpha-Gal, albumines

 Venins           :  phospholipase, Ves v5