Info du mois 04.24 P. Foucart
La recherche des drogues dans les milieux biologiques intéresse les représentants de l’autorité de l’état, et le corps médical. Que prélever : sang, urine, salive ?
Les tests salivaires utilisés comme tests rapides lors des contrôles routiers concernent peu le milieu médical.
La prise de sang
Utilisée par la police pour prouver le cas échéant qu’une personne a commis un délit sous l’influence d’une drogue ; elle est aussi parfois requise par un magistrat. Du point de vue des autorités, elle présente l’avantage d’être difficilement falsifiable . Du point de vue médical, elle est peu efficace dans la mesure où la plupart des drogues ont un temps de transit très court dans le sang.
Le recueil d’urine
La plupart des drogues sont éliminées telles quelles, ou sous forme de métabolites dans les urines, pendant plusieurs jours, voire semaines ; il s’agit donc du milieu de choix pour dépister ce type d’assuétudes.
L’inconvénient majeur est le risque de falsification du prélèvement. Les possibilités sont très variées.
On peut venir avec l’urine d’un ami : vérifier la température du liquide ! Mais une poire sous l’aisselle contenant l’urine d’une personne bienveillante, et reliée à un tuyau sortant à l’endroit ad hoc peut faire illusion … Plus simple : la dilution, soit avec l’eau des toilettes, soit en stimulant la diurèse en buvant beaucoup d’eau au préalable, ou quelques bières … D’où l’intérêt de doser la créatinine lors de toute recherche de toxico ; ceci permet aussi de repérer des substituts tels que thé, jus de fruit, …
De nombreux produits sont réputés interférer avec les tests de dépistage rapide : eau de javel, détergents, et autres substances en vente sur le web dans ce but.
Tests immunologiques de dépistage
Ces tests sont faciles à mettre en œuvre, mais leur lecture dépend de la subjectivité de l’ observateur ; en outre, comme dans tout test utilisant un anticorps, on ne peut exclure une réactivité croisée avec une molécule de configuration stérique proche ; ils peuvent aussi être perturbés par un adultérant. Pour ces raisons, un test positif doit être vérifié par une technique plus fiable : soit chromatographie gaz ou la chromatographie liquide utilisant comme détecteur un spectromètre de masse (GC/MS et LC/MS)
Tests GC/MS et LC/MS (1)
Coûteux et requérant un personnel qualifié, ils sont considérés comme technique de référence tant pour la recherche dans le sang que pour l’urine
Application aux drogues courantes
Ethanol
L’alcoolémie objective la situation instantanée ; quant à la recherche d’une assuétude, on privilégie actuellement le phosphatidyléthanol (voir sur le site du labo info spécifique Peth, en Supports scientifiques)
Gamma hydroxybutyrate GHB
Ce neurotransmetteur initialement utilisé en anesthésie a été détourné de son usage en raison de ses propriétés : liquide incolore et inodore facilement introduit dans une boisson, il provoque un état comateux avec relaxation et surtout épisode amnésique ; de plus sa demi-vie est très courte : dans le sang, les concentrations reviennent à des valeurs physiologiques en quelques heures, et en 12h dans l’urine (2); ces caractéristiques en ont fait la drogue du viol. Disponible sur internet. Une autre source commode est la
gamma butyrolactone (GBL), solvant de peinture utilisé en atelier de carrosserie, très accessible ; ce GBL est métabolisé en GHB. Le dosage dans le sang et urine par LC/MS est presque toujours trop tardif.
Fentanyl
Opioïde puissant (100x le potentiel analgésique de la morphine) introduit dans la pratique médicale dans les années 60, ce produit est devenu un grave problème de santé publique en particulier aux Etats Unis où l’on estime qu’il cause de l’ordre de 200 décès par jour. Les narcotraficants l’ajoutent régulièrement à l’héroïne dans le but de fidéliser la clientèle (du moins celle qui survit) ; la dose mortelle est d’environ 2 mg ; on notera que des doses actives aussi faibles permettent un approvisionnement discret et donc un trafic pratiquement indétectable. Dosage du fentanyl et nor-fentanyl dans le sang et l’urine par LC/MS.
Buprénorphine (subutex)
La norbuprénorphine est dosée dans le sang ou dans l’urine par LC/MS ; transit sanguin d’environ 8h ;
détectable dans l’urine jusqu’à 2 jours
LSD LysergSäureDiéthylamid
(diéthylamide de l’acide lysergique)
Détectable dans le sang par GC/MS pendant quelques heures seulement ; persiste dans l’ urine 1 à 2 jours
Drugscreen (tests immunologiques rapides sur urines)
Cannabis
Positif pour 50 ng/ml 11-nor-carboxyTHC, principal métabolite du delta-9 TetraHydroCannabinol ( THC)
psycho-actif ; en raison du stockage du THC dans les graisses, ce test est susceptible de rester positif un mois, voire davantage chez un fumeur bien imprégné, quoique abstinent.
Ces résultats sont à confirmer par GC/MS, qui peut aussi révéler delta-9-THC et 11-OH-delta-9-THC ;
cette même technique est utilisée pour un test sanguin qui peut détecter le carboxy-THC jusqu’à 72h après usage occasionnel, plus d’un mois après la dernière consommation en cas d’usage intensif .
Les nouveaux cannabinoïdes synthétiques : JWH-018, HU-210, CP-47, MDMB-fubinaca, AM-630, apica
(spice, scooby, snax, yucatan, fire, …) ne sont à ce jour pas détectables ; plus puissants que le cannabis en raison d’une affinité aux récepteurs jusqu’à 100x supérieure, leur toxicité est aussi exacerbée tant au plan neurologique que cardiovasculaire.
Cocaïne
Positif pour 100 ng/ml de benzoylecgonine (métabolite principal de la cocaïne) ; chez un consommateur
assidu, celui-ci peut persister jusqu’à 2 semaines après abstinence.
Une confirmation par GC/MS peut aussi révéler méthylecgonine et cocaéthylène
La cocaïne disparaît du sang en moins de 24h
Amphétamine
Positif pour 300 ng/ml amphétamine et metamphétamine, avec interférence possible de certains médicaments
ainsi que de l’ecstasy ; persistance 1 semaine pour la seconde, quelques jours pour l’amphétamine
La GC/MS détecte en même temps : MDA, MDEA, MDMA ; de même dans le sang (pendant 2 jours)
MDMA (ecstasy, XTC)
Positif pour 500 ng/ml en méthylène-dioxy-methamphétamine jusqu’à 3 jours dans l’urine
Dans le sang par GC /MS pendant 8 heures
Methadone
Positif pour 300ng/ml ; la GC/MS la détecte dans les urines jusque 7 jours, dans le sang 2 jours
Opiacés
Positif pour 300ng/ml morphine ou héroïne jusqu’à 3 jours ; mais aussi pour la codéine, la pholcodine ;
d’où la nécessité de se référer aux résultats de la GC/MS.
Méthadone et la buprénorphine n’interfèrent pas dans ces tests immunologiques.
L’héroïne (diacétylmorphine) étant rapidement désacétylée en monoacétylmorphine, c’est cette molécule qui prouve la prise d’héroïne, mais on retrouve aussi morphine et codéine en tant que métabolites .
La morphine apparaît telle quelle et sous forme de glucuronide et sulfoconjugués pendant 3 ou 4 jours.
La codéine est métabolisée à raison de 10 % en morphine : jusque 24h après ingestion, un rapport codéine/morphine >1 et la présence de norcodéine prouvent la prise de codéine ; plus tard, la norcodéine ayant disparu, il n’est plus possible de distinguer la drogue initiale. Persistance jusque 4 jours.
Dans le sang, héroïne et morphine sont détectables quelques heures seulement.
NSP -Nouvelles Substances Psychoactives
On peut interpréter l’apparition de ces NSP comme le résultat d’une course entre l’imagination de chimistes et la réactivité des autorités législatives à les classer comme stupéfiants. Ces molécules se succèdent si rapidement, qu’elles échappent aux contrôles juridiques, aussi bien qu’à la détection par ailleurs …
Leur consommation est donc peu documentée et sous-évaluée ; elles sont susceptibles de tableaux toxiques imprévisibles et très sévères ; les possibilités d’identification dans le sang ou dans l’urine sont inexistantes.
Quelques NSP :
Stimulants : cathinones (sels de bains, vanilla sky, ivory waves, meow-meow)
pipérazines (herbal ectasy, rapture, legal x)
phenylethylamines (performax, eros, nexus)
Opioïdes : carfentanyl, ocfentanyl, AH7921, MT-45, U-47700, U-50488 (gray death, pink, serial killer …)
Dépresseurs : clonazolam, etizolam, pyrazolam, flubromazepam …
(1) actuellement sous-traités à l’UCL
(2) ces valeurs moyennes de la littérature ne tiennent pas compte des variations intra-individus
